La vie du citoyen tunisien devient de plus en plus difficile à cause de son pouvoir d’achat qui régresse d’une manière significative. S’ajoutent à cela la cherté de la vie et le manque flagrant de la majorité des denrées alimentaires de base. Devant cette conjoncture inadmissible et inassimilable, qui empire de jour en jour, nous avons contacté M. Ridha Chiba, conseiller international en exportation, pour nous expliquer les raisons de cette situation économique et sociale complexe qui a trop duré. Interview.
Pourquoi la pénurie du lait persiste encore ?
De prime abord, il demeure impérieux de rappeler que ces produits de première nécessité, qui sont des produits stratégiques, doivent être gérés et scrupuleusement contrôlés par l’Etat et non par des particuliers qui n’agissent que d’une manière pragmatique et rentable.
La pénurie annoncée du lait demeure aberrante et illusoire du moment que les principaux dérivés de cette matière existent sur le marché, d’autant plus que cette denrée a été toujours présente dans les cafés et chez les industriels qui l’utilisent.
Cette pénurie découle d’une flambée des cours des fourrages qui se font de plus en plus rares. La hausse du prix mondial de l’alimentation animale et la sécheresse qui a sévi dans le pays ont aggravé la situation. Ce sont les arguments avancés par certains intervenants dans ce secteur.
En effet, l’explication la plus logique et qui justifie cette pénurie demeure essentiellement les deux raisons suivantes, à savoir : les options prises par les industriels d’opter pour beaucoup de dérivés laitiers tels que les yoghourts de différents genres et similaires au détriment de la production laitière soi-disant à cause de son coût exorbitant, et ce, pour vendre mieux et réaliser plus de bénéfices.
La seconde raison est les circuits illégaux utilisés dans la distribution du lait, à savoir le circuit parallèle avec certains pays limitrophes où une grande partie importante de la production laitière y est acheminée.
De même, la distribution du lait à travers le pays est loin d’être correcte.
Au lieu d’acheminer comme auparavant aux détaillants, les distributeurs le vendent à d’autres exploitants tels que les cafés, les cafétérias, les pâtisseries avec des prix élevés et, en dernière position, ils le vendent aux épiciers et aux détaillants, ce qui constitue une manœuvre dolosive contrairement à la loi.
En raison de l’indisponibilité du sucre, plusieurs unités ont connu diverses difficultés allant parfois jusqu’à suspendre leurs activités. Pouvez-vous nous éclairer sur cette pénurie ?
Le pays se trouve face à une grande pénurie de sucre qui a affecté gravement les citoyens et encore plus les divers secteurs industriels exploitant cette matière. Cette crise a causé diverses difficultés pour plusieurs entreprises allant parfois jusqu’à la suspension de leurs activités pendant un certain temps en raison de l’indisponibilité du sucre.
Tout d’abord, cette pénurie du sucre s’explique par le fait que l’usine de sucre à Béja, qui pourrait approvisionner tout le marché local, demeure dans une situation très difficile et a arrêté la production à plusieurs reprises. A mon avis, un renouvellement des équipements pourrait améliorer la capacité de production et permettre la couverture des besoins du pays.
De même, l’approvisionnement nécessaire en sucre brut demeure une condition sine qua non pour reprendre l’activité normale de la société.
Outre cette situation critique, il y a lieu de souligner aussi que les quantités de sucre importées sont insuffisantes pour subvenir aux besoins des consommateurs finaux de cette denrée alimentaire indispensable.
Nous remarquons, à cet égard, qu’une grande quantité de sucre subventionné s’achemine illicitement vers des utilisateurs autres que les nécessiteux avec des prix élevés, ce qui constitue une atteinte grave à la sécurité alimentaire en Tunisie.
Quelles sont les origines de la pénurie de l’huile subventionnée ?
L’huile subventionnée demeure un besoin vital pour les catégories démunies en Tunisie. Toutefois, nous constatons qu’elle a carrément disparu du circuit normal, c’est-à-dire qu’elle ne se trouve plus dans les points de vente habituels. Ceci a évidemment créé une pénurie ressentie auprès de la classe moyenne qui trouve beaucoup de peine à s’en procurer.
Ce produit de base et stratégique importé par l’Office du commerce est très mal distribué. En effet, certains intermédiaires le vendent illégalement à d’autres utilisateurs qui n’ont pas le droit de le consommer, tels que les restaurants voire certains industriels.
Cela outre les épiciers des quartiers qui exigent la vente conditionnée. Bref, il faut user tout un stratagème pour se faire servir.
Certes, ces manœuvres causent un grand malaise aux catégories démunies de la population tunisienne qui demeurent toujours dans l’expectative pour en bénéficier.
D’après vous, quelles sont les procédures à entreprendre pour arrêter ce calvaire ?
Afin de résoudre le problème de la pénurie du sucre, l’Etat doit absolument veiller à assurer la reprise de l’usine de Béja dans les meilleures conditions et avec un plan de charge optimal le plus rapidement possible, acheter le sucre brut nécessaire pour pouvoir approvisionner le marché local.
Egalement, l’Etat doit encourager, autant que possible, la culture des betteraves comme par le passé, en accordant des subventions pour les agriculteurs qui adhèrent à ces orientations, ce qui permet à l’usine de fonctionner aisément et éviter les ruptures de stocks ou l’arrêt de production.
Pour les autres actions à entreprendre, elles doivent être beaucoup plus sérieuses et appuyées le cas échéant d’un pouvoir dissuasif.
L’Etat doit encourager davantage la vente conformément aux circuits normaux durant toute l’année et dans toutes les régions du pays. Il doit aussi superviser les circuits de distribution dès le départ jusqu’aux consommateurs finaux.
De plus, les autorités compétentes doivent contrôler minu
tieusement les états des stocks de tous les intervenants à travers tout le circuit de distribution et la liste des grossistes et des détaillants et leurs conditions de stockage et de vente sans pour autant omettre de lutter contre les augmentations des prix pour mettre un terme à cette mascarade dont nous ne voyons pas le bout du tunnel.
Êtes-vous d’accord que les pouvoirs publics doivent lutter inébranlablement et sans répit contre les corrupteurs, les spéculateurs, les imposteurs et les malfaiteurs pour résoudre les problèmes d’approvisionnement et de pénuries ?
Les pénuries des denrées alimentaires sont inadmissibles. L’Etat, à travers tous ses rouages administratifs, doit lutter inébranlablement contre les hors-la-loi.
Il doit aussi imposer l’antidumping et les mesures antisubventions s’il considère qu’un quelconque produit fait l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers la Tunisie est inférieur à celui du produit dans le pays exportateur ou inférieur à son coût de production pour mettre un terme à une telle pratique visant à vendre moins cher que les vendeurs locaux pour mieux pénétrer le marché tunisien déloyalement.
Ceci vise à rétablir des conditions de concurrence loyales lorsque des producteurs étrangers ont bénéficié de subventions ciblées leur accordant un avantage par rapport aux producteurs tunisiens.